Elie GRAS employé des Postes
Massacré par les Brigades spéciales de Pétain en 1942
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Elie GRAS est né le 1er septembre 1914 à Paris (XIVe arr.). Domicilié chez ses parents à Vitry-sur-Seine, il habita aussi pendant l’Occupation dans le XXe arrondissement à Paris. Employé du Central télégraphique de Paris Bourse, rue Feydeau, une plaque commémorative rappelle son nom aux côtés de six autres postiers. Arrêté le 8 octobre 1942, il fut odieusement massacré par des inspecteurs des Brigades Spéciales de Pétain le lendemain le 9 octobre 1942.
Une voie du quartier du Coteau à Vitry porte le nom d’Elie Gras par une délibération municipale du 24 octobre 1948.
Lieutenant FTPF, il participe activement à la manifestation de femmes de la rue Buci. Dans un petit livre de 33 pages, de Georges Sentis (1) consacré à Maté Houet, agent de liaison du commissaire technique national des FTPF sous l’occupation nazie, décédée en juillet 2000, on relève à propos d’Elie Gras cette citation : « Ce camarade fraternel et efficace me trouva une planque avenue de Versailles, chez une postière ». En effet, au printemps 1942, lors de la manifestation rue de Buci, Berthe Houet « Maté » avec plusieurs femmes se trouvèrent coincées par le rideau de fer d’un magasin, c’est lui qui parvint à le relever, sauvant la vie de Maté et plusieurs de ses amies.
En 1998, le journal municipal de Vitry-sur-Seine publiait une biographie d’Elie Gras et à cette occasion Maté Houet disait de lui : « Je me souviens d’un camarade de Vitry, qui a laissé son nom à une rue. Il m’a beaucoup aidé, après l’arrestation de mon mari quand je me suis trouvée désemparée … c’était un ange cet homme. Il me disait "Tu sais, j’ai réfléchi. Au peloton d’exécution, je ne tremblerai pas". Son père est allé le voir à la morgue. Ils lui avaient fait subir l’épreuve du cercle autour de la tête, ils lui avaient fait éclater le cerveau, cassé les dents, démoli le sexe….Il me traitait comme une camarade de combat. J’ai eu tellement de chagrin devant sa mort, ce massacre ».
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Dans le livre de Pierre Seghers (2) « La Résistance et ses poètes » la deuxième partie de l’ouvrage regroupe les poèmes les plus marquants de cette époque. Parmi ceux-ci, page 471 à 473 « Enterrement d‘Elie Gras » un long poème écrit par Jean-Claude Diamant-Berger (3). Nous ne pouvons publier que des extraits de cet hommage à ce jeune postier.
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Enterrement d’Élie Gras
Elie Gras, Elie Gras, nous avançons vers toi Des hommes pâles, des enfants aux cœurs de broussailles Dans le ciel suffoqué de cloches inarrêtables Aux cœurs de fumée aux cœurs translucides comme l’eau sur les pierres Parmi nos larmes nues où le ciel fait naufrage t’ont suivi dans les rues, portant leurs armes noires Et qui s’en vont, heurtant le cœur t’ont suivi Elie Gras, un bandeau de cuir sur le cœur Heurtant le ciel et qui s’en vont et leurs pistolets mitrailleurs Autour du grand oiseau du soir – Oscillaient comme les reflets d’un fleuve sur les disques du soir Dans ses yeux l’océan qui brule Secrètement, l’étoile de la mort.- (….) (….)
Elie Gras ! Elie Gras. Elie Gras franc-tireur Tous les oiseaux pleurent ton nom Mort pour la France et pour le monde Les mouettes circulaires les mouettes veuves et qu’enflamment Mort pour la terre, le vin, les filles Les touffes du soleil éparses dans les vagues Mort pour l’Église et le lycée Crient ton nom crient ton nom et l’océan se casse Mort pour l’Histoire de France et à cause de la Marseillaise Se brise sur le vent rochu aux fronts de sel. Mort pour l’Homme (….) (….)
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(1) Georges Sentis : Docteur en histoire, président départemental de l’ANACR des Pyrénées Orientales.
(2) Pierre Seghers : écrivain, poète, né à Paris le 5 janvier 1906. En septembre 1939, il fonde une revue « Poètes casqués » puis en février 1940 une revue « Poésie 40 » où bientôt vont collaborer tous les poètes de la Résistance. Seghers devient l’un des agents de liaison des premiers groupes de Résistance. Il va participer aussi aux publications clandestines comme les « Éditions de Minuit », « Cahiers de Libération ». C’est en 1944 que Pierre Seghers créé la collection « Poètes d’aujourd’hui », le premier numéro est consacré à Paul Eluard. Dans « La Résistance et ses poètes - France 1940-1945 » publié en 1974, il parle de l’aventure de la poésie pendant la Seconde Guerre mondiale. Pierre Seghers était un proche d’Aragon, d’Eluard, de Robert Desnos et de René Char. Il décède le 4 novembre 1987.
(3) Jean-Claude Diamant-Berger (1920-1944) collabore à dix-huit ans à la revue « Réverbères ». Il a des relations avec les surréalistes. En 1942, il s’engage dans les Forces Françaises Libres. Volontaire au bataillon parachutiste, il s’entraine le jour et le soir il écrit. Il est tué le 18 juillet 1944 sur les bords de l’Orne. Des poèmes de ce jeune Résistant paraissent dans « l’Eternelle Revue » de Paul Eluard et dans La Nouvelle Renaissance. L’œuvre de Jean-Claude Diamant-Berger est rassemblée en 1951 sous le titre « Poèmes d’Everlor » et éditée par P. Seghers.
Charles Sancet
Sources : Journal municipal de Vitry février 2002 – Bulletin de Libération Nationale PTT 2ème tri. 2002 (J. Blanchon) – plaquette « Hommage aux morts » de Libération Nationale PTT 2005 – Le Maitron « Fusillés, exécutés massacrés 1940-1944 » - « La Résistance et ses poètes » Pierre Seghers Paris 1974.