Poème
Les Fusillés de Châteaubriant
René-Guy CADOU (1920-1951)
Ils sont appuyés contre le ciel Ils sont une trentaine appuyés contre le ciel Avec toute la vie derrière eux Ils sont pleins d’étonnement pour leur épaule Qui est un monument d’amour Ils n’ont pas de recommandation à se faire Parce qu’ils ne se quitteront jamais plus L’un d’eux pense à un petit village Où il allait à l’école Un autre est assis à sa table Et ses amis tiennent ses mains Ils ne sont déjà plus du pays dont ils rêvent Ils sont bien au-dessus de ces hommes Qui les regardent mourir Il y a entre eux la différence du martyre Parce que le vent est passé là ils chantent Et leur seul regret est que ceux Qui vont les tuer n’entendent pas Le bruit énorme des paroles Ils sont exacts au rendez-vous Ils sont même en avance sur les autres Pourtant ils disent qu’ils ne sont pas des apôtres Et que tout est simple Et que la mort surtout est une chose simple Puisque toute liberté se survit.
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Guerre 1939-1945. Affiche à la mémoire des otages fusillés à Châteaubriant (Loire-Atlantique). Dessin de Simo. Le 22 octobre 1941. |
René-Guy Cadou, est né le 15/2/1920 à Sainte-Reine-de-Bretagne en Loire Atlantique (alors Loire-Inférieure) et est mort le 20/3/1951 à Louisfert (Loire-Atlantique). Il fait ses études à Nantes, fréquente des poètes (notamment Max Jacob) et est influencé par les poètes surréalistes. Il publie en 1945 le recueil « Pleine poitrine » dans lequel il revient sur l’occupation nazie et la déportation et la mort de Max Jacob. Il compose un nombre important de poèmes jusqu’en 1951 quand la maladie l’emporte à l’âge de 31 ans.